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21 février 2024

Monique Rubin fait nos marchés

Sans eux, les places de nos villes et villages n’auraient pas la même saveur... Par tous les temps, les commerçants ambulants animent leurs marchés. Une profession atypique, ardemment défendue par Monique Rubin, chevalier en 2006, promue officier en 2021. À la tête de la Fédération nationale des marchés de France, elle se bat pour un métier qu’elle continue d’exercer avec passion.


Fixer un rendez-vous avec un commerçant ambulant n’est pas chose facile. Pour rencontrer Monique Rubin, qui exerce cette profession depuis près de 55 ans, on peut se rendre dans la petite ville de Chabeuil, à quelques kilomètres de Valence (Drôme), son port d’attache. À moins que ce jour-là, elle ne se trouve sur le marché de Nyons, plus au sud dans le département... ou peut- être sur celui d’Aubenas en Ardèche...

À cet emploi du temps assez insaisissable s’ajoute l’agenda chargé d’une présidente d’organisation syndicale : Monique Rubin est à la tête de la Fédération nationale des marchés de France et représente ainsi quelque 10 000 de ces vendeurs nomades dont la gouaille et la variété des étals colorent les rues du plus petit village aux plus peuplées de nos cités.

La législation parle de « commerces non sédentaires » ou de « commerces ambulants », terme que Monique Rubin préfère pour désigner son activité. Intarissable sur ses spécificités, elle confirme ce que tout néophyte pressent : cette profession de lève-tôt exige une santé de fer. « Sans une bonne condition physique, vous ne pouvez pas tenir. » « Tenir » sous-entend d’enchaîner des journées de travail qui ressemblent davantage à une course d’endurance : se lever aux aurores, parcourir des kilomètres, monter le stand, composer avec la météo, quelle qu’en soit la couleur, tout en restant à l’écoute des clients... Puis « rembobiner le fil » une fois la vente terminée : ranger, démonter, reprendre la route, décharger... « Lorsque la journée a été bonne, tout va bien. Mais lorsque les affaires ont moins bien marché, il faut aussi l’accepter... »

Les débuts

Cette vie itinérante, Monique Rubin l’a en quelque sorte épousée lorsque, toute jeune femme, elle accompagne sur les marchés son premier mari, un Drômois dont la famille est dans le commerce ambulant depuis deux générations. Monique Rubin trouve ainsi sa voie. « Nous étions en 1967-68. De belles années sur les marchés, se souvient-elle. Pas de grande distribution ni d’Internet. À cette époque, nous gagnions très bien notre vie. Et puis, immédiatement, j’ai aimé cette dynamique, le lien direct que vous pouvez établir avec le client. Contrairement à la vente « en dur » où c’est le client qui doit franchir la porte de votre commerce ; sur un marché, c’est vous qui l’attirez à vous. »

Au fil des ans, Monique Rubin étoffe son activité. En plus des marchés de la Drôme et de l’Ardèche elle arpente ceux de l’Isère, de Haute-Savoie, de Loire ou de Haute-Loire. Sur son étal, Monique Rubin propose tout d’abord des pulls, « de belles mailles italiennes ». Elle fait un détour par le prêt- à-porter, avant de se spécialiser dans le chapeau et tout ce qui, de près ou de loin, couvre la tête. Une expérience en boutique achève de la convaincre : sa vie est hors les murs, dans cette « agora » où les populations de toutes origines se croisent, où les commerçants tissent entre eux des liens d’amitié et de solidarité. « Notre café du matin, entre collègues, tout comme nos fous rires après une journée de travail... Tout cela m’a fait aimer ce métier, malgré ses difficultés. »

S’investir pour se faire entendre

Plutôt que d’affronter seule cette dureté, de se sentir parfois démunie face aux contraintes réglementaires ou aux décisions de responsables locaux, Monique Rubin choisit de s’investir dans la défense de la profession. En 1993, elle est élue présidente du Syndicat départemental des marchés de Drôme-Ardèche. Dix ans plus tard, elle accède à la présidence de la Fédération nationale des marchés de France. Depuis, elle côtoie des élus de tout bord, à la tête de communes petites ou grandes et recueille les doléances de collègues, sous toutes les latitudes.

Son agenda de septembre l’a ainsi menée à La Réunion, à la rencontre des commerçants ambulants de l’île. Une mission ponctuée de rendez-vous avec les responsables économiques réunionnais et de sessions de formations à l’adresse des placiers, ces personnes mandatées par les communes pour gérer l’organisation et le bon déroulement des marchés. De retour dans l’Hexagone, direction la mairie de Paris pour évoquer les chamboulements qu’allait provoquer la tenue des Jeux Olympiques et Paralympiques l’été prochain. « Une des spécificités de notre métier tient à son exercice sur le domaine public. C’est une profession réglementée qui nécessite d’entretenir de bonnes relations avec les collectivités qui nous accueillent. »

Pérenniser la profession

Actuellement, les dossiers brûlants concernent l’accès aux centres-villes, que la mise en place de zones à faibles émissions,

la gestion des déchets ou encore les questions de gaspillage alimentaire risquent de compliquer...
En matière de tension extrême, Monique Rubin pense toutefois avoir vécu le pire lors de la crise du Covid. « Nous nous sommes battus pour que les marchés alimentaires puissent reprendre en mai 2020, alors que la grande distribution restait ouverte. Pour cela, nous avons établi en urgence un protocole, enchaîné les visioconférences avec le ministère de l’Économie. »

Nouvelle alerte lorsqu’il fut question d’indemniser les commerçants pour les pertes de chiffres d’affaires. Les commerçants ambulants ayant été « oubliés », la fédération intervint en urgence pour redresser la barre. « Il faut être omniprésent », commente Monique Rubin... notamment sur les questions sociales, point sensible pour tout commerçant ambulant. «Nombre de nos ressortissants s’aperçoivent, à l’aube de la retraite, qu’ils toucheront très peu. Améliorer leur situation est un souci constant.» Une préoccupation qu’elle ne cesse de souligner à chaque négociation, auprès de ses interlocuteurs.

Il en va de la pérennité de cette profession mais l’enjeu va bien au-delà.
« Nous devons nous battre pour mettre en avant la qualité des produits que l’on trouve sur les marchés mais aussi pour défendre ce lieu où les gens se parlent, se retrouvent et créent du lien. Peut-on imaginer un monde où l’ensemble des échanges passerait par Internet ? Les marchés sont des maillons essentiels à la vie de nos villages, nos quartiers, à nos cœurs de ville. Je n’ai jamais douté que notre activité ait un avenir mais nous devons tout faire pour la protéger. »

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